Jean-Louis SCHLIENGER, Strasbourg
Lee HS et al. Difference of risk of pancreatic cancer in new-onset diabetes and long-standing diabetes: a population-based cohort study. J Clin Endocr Metabol 2022 Dec 22 ; dgac728.
Le cancer du pancréas exocrine (KPE), l’un des 10 cancers les plus fréquents chez l’homme et quatrième cause de mortalité par cancer chez les hommes et les femmes, a un pronostic effroyable à 5 ans en raison d’un diagnostic tardif. Il est donc essentiel de bien connaître ses facteurs de risque pour réaliser un dépistage ciblé et aboutir à un diagnostic plus précoce L’obésité et le diabète figurent parmi les facteurs de risque. L’association entre DT2 et KPE est bien établie avec un risque 8 fois plus élevé que dans la population générale lorsque le DT2 est récent. Sur la foi de données observationnelles et expérimentales le DT2 serait un phénomène paranéoplasique médié par l’adrénomédulline secrétée par le KPE. En fait, peu d’études ont comparé le risque de KPE dans le DT2 de diagnostic récent (DT2R) par rapport au DT2 ancien (DT2 A).
Cette étude de cohorte nationale (coréenne) de population avait pour but de réexaminer l’association entre le DT2 et le KPE en comparant le risque selon que le diagnostic de diabète était récent (moins de 3 ans) ou ancien. Entre 2002 et 2013, 88 596 sujets DT2 ont été appariés 1:1 à des sujets indemnes de diabète sur l’âge, le sexe, le niveau de revenu et les frais médicaux. Après un suivi de 11 ans les données ont été exploitées en fonction du temps par une analyse de régression multivariée de Cox. Le taux d’incidence du cancer du pancréas pour 100 000 personnes-année était de 106,7, dans le groupe DT2 contre 31,3 dans le groupe témoin (0,52 % contre 0,16 % ; p < 0,001). Le risque de survenue d’un KPE était différent selon l’ancienneté du diagnostic. Dans le DT2R, le risque relatif (RR) était de 3,81 (IC95% : 2,97-4,88 ; p < 0,001) vs 1,53 (IC 1,11-2,11 ; p < 0,001) dans le DT2A (figure). En comparant les 2 groupes de DT2, le risque de KPE était plus élevé dans le groupe DT2R (RR = 1,55 ; p = 0,02). En analyse de sous-groupe, les hommes ayant un DT2R (RR = 4,42 ; IC 3,15-6,19 ; p < 0,001) et les sujets qui avaient plus de 50 ans (RR = 7,54 ; IC 3,24-17,56 ; p < 0,001) présentaient un risque plus élevé de développer un KPE que les sujets non diabétiques appariés. Le taux de résection chirurgicale du KPE était plus élevé dans le groupe DT2R (8,09 %) que dans le groupe DT2A (1,79 %). Par ailleurs, la prévalence du DT2 était plus élevée chez les patients atteints d’un KPE que chez les patients atteints d’autres types de cancers.
Figure. Incidence du cancer du pancréas chez les sujets DT2 (en bleu) et non DT2 (en jaune) en fonction de la date du diagnostic (moins de 3 ans à gauche ou plus de 3 ans à droite.
Dans cette vaste étude échantillonnée, longitudinale et rétrospective, le DT2 est bien un facteur de risque de KPE – même dans une population asiatique – tout particulièrement lorsqu’il a été diagnostiqué il y a moins de 3 ans. La découverte d’une hyperglycémie chez des hommes de plus de 50 ans devrait être considérée comme un facteur de haut risque de KPE et inciter à un dépistage afin de proposer un traitement précoce. Cette conception discutable compte tenu des moyens actuels de dépistage (écho-endoscopie et IRM) prendra tout son sens lorsque le dépistage sera réalisable par PCR pour amplifier les séquences circulantes d’ADN spécifiques du KPE et que seront accessibles les inhibiteurs de KRAS, un gène muté dans 90 % des KPE. Dans l’immédiat la vigilance clinique doit être de mise devant tout nouveau DT2.