Patrice DARMON, Marseille
Boonpor J et al. In people with type 2 diabetes, sarcopenia is associated with the incidence of cardiovascular disease: a prospective study from the UK Biobank. Diabetes Obes Metab 2023 Oct 26.
Avec l’âge, le diabète expose à une augmentation du risque de perte prématurée de force et de masse musculaire. La prévalence de la sarcopénie est élevée parmi les patients vivant avec un diabète – entre 7 et 30 % selon les études. Chez les patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2), la sarcopénie pourrait être associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires mais les études de qualité ne sont pas très nombreuses.
L’étude d’observation prospective réalisée par Boonpor et coll. apporte de nouveaux arguments en faveur de cette association. Cette étude porte sur 11 974 patients vivant avec un DT2 issus de la cohorte UK Biobank (Angleterre, Ecosse, Pays de Galle), initialement âgés de 40 à 70 ans et en prévention cardiovasculaire primaire (âge moyen 59,8 ans ; hommes 67,8 % ; IMC 30,8 kg/m2 ; ancienneté du DT2 8,5 ans). Parmi eux, 921 (7,7 %) ont été classés comme présentant une sarcopénie, qu’elle soit modérée ou sévère. Pour définir la sarcopénie, les auteurs ont utilisé les critères désormais classiques de l’European Working Group on Sarcopenia in Older People (EWGSOP2), à savoir : sarcopénie probable en cas de baisse significative de la force musculaire (documentée ici par une mesure de la force de préhension avec un dynamomètre) ; sarcopénie confirmée en cas d’association à une réduction significative de la masse musculaire (documentée ici par une bio-impédancemétrie) ; sarcopénie sévère en cas d’association à une diminution significative de la performance musculaire (simplement estimée ici par une auto-évaluation de la vitesse de marche).
Au terme d’un suivi médian de 10,7 ans, et sur la base du codage des séjours hospitaliers et des certificats de décès, les auteurs ont recensé 1 957 événements cardiovasculaires fatals ou non. Après ajustements multiples sur l’âge, le sexe, l’index de précarité, le niveau d’éducation, l’ancienneté du diabète, la consommation d’alcool, de tabac et de viandes transformées ou le niveau de sédentarité et d’activité physique, il existe une augmentation significative du risque d’événements cardiovasculaires fatals ou non (Hazard Ratio HR 1,89 [IC95% 1,61-2,21]), d’AVC (HR 1,90 [IC95% 1,38-2,63]), d’IDM (HR 1,56 [IC95% 1,04-2,33]) et d’insuffisance cardiaque (HR 2,59 [IC95% 2,12-2,38]) chez les patients atteints de sarcopénie. Ces associations sont discrètement atténuées mais restent significatives après ajustement pour l’indice de masse corporelle (sauf pour le risque d’IDM). Des résultats similaires sont retrouvés en considérant seulement la présence d’une perte de force musculaire ou d’un ralentissement de la vitesse de marche. On retrouve également une association entre la perte de masse musculaire et le risque d’événements cardiovasculaires et d’AVC dans le modèle d’ajustement incluant l’indice de masse corporelle (respectivement HR 2,12 [IC95% 1,09-4,11] et HR 3,39 [IC95% 1,25-9,19]). Les auteurs estiment que l’incidence des événements cardiovasculaire est comparable chez les patients présentant une sarcopénie et chez les patients non sarcopéniques âgés de 14,5 ans de plus.
En dépit de ses nombreuses limites méthodologiques et de l’absence de prise en compte de facteurs confondants importants dans les modèles d’ajustement, cette étude retrouve un lien indépendant entre sarcopénie et risque d’événements cardiovasculaires chez les patients vivant avec un DT2, confirmant en cela les résultats de plusieurs études antérieures, tout en les affinant en montrant également pour la première fois un risque accru d’AVC, d’IDM et d’insuffisance cardiaque. Bien qu’elles doivent être confirmées par des travaux de meilleure qualité, ces données pourraient inciter les cliniciens à dépister plus largement la sarcopénie chez les patients vivant avec un DT2.