Louis MONNIER, Montpellier

Thomas NJ, Jones AG. The challenges of identifying and studying type 1 diabetes in adults. Diabetologia 2023 ; 66(12) : 2200-12.

Les chiffres montrent que, chez l’enfant, 85 à 95 % des diabètes sont de type 1 tandis que les 5 à 15 % restants correspondent soit à des diabètes de type 2, en général dans le cadre d’obésités sévères, soit à des formes rares de diabètes monogéniques (MODY dans 1 à 3 % des cas). En revanche, 95 % des sujets qui développent un diabète à l’âge adulte (30 ans et au delà) sont des types 2 classiques. Ceci signifie qu’un pourcentage relativement faible, mais non négligeable, est représenté par des diabètes de type 1 quand la maladie est diagnostiquée à l’âge adulte. Dès lors, si la démarche classique est de considérer que tous les diabètes qui surviennent à l’âge adulte sont des types 2, on peut en déduire que parmi ces sujets certains sont l’objet d’un mauvais classement.

Pourquoi le diagnostic de diabète de type 1 survenant chez l’adulte présente-t-il des difficultés et comment peut-on améliorer le diagnostic ?

• Le diabète de type 1 est défini comme une entité physiopathologique caractérisée par une destruction auto-immune des cellules bêta-langerhansiennes ou par un déficit sévère de l’insulinosécrétion endogène, même quand l’agression auto-immune n’est pas évidente (diabète de type 1 idiopathique). La présence d’anticorps anti-îlots est un élément très en faveur d’un diabète de type 1 auto-immun, mais il convient de rappeler quelques « bémols » :

  • La présence d’anticorps anti-îlots, qui ne sont pas la cause de la destruction des îlots, n’est pas systématiquement liée à l’auto-immunité cellulaire anti-îlots qui, elle, est le véritable facteur causal.
  • Des anticorps anti-îlots peuvent être présents dans la population générale en bonne santé et chez des sujets ayant un diabète de type 2.
  • Seule une détection de l’auto-immunité par la recherche de plusieurs types d’anticorps anti-îlots ayant une haute valeur prédictive positive, parmi lesquels les anticorps anti-GAD occupent une place privilégiée, permet l’identification d’un diabète de type 1 auto-immun. Cette recherche est-elle justifiée chez tous les sujets qui développent un diabète à l’âge adulte ? Sûrement pas, puisque la majorité sont des diabètes de type 2. La recherche des anticorps ne serait justifiée que si le diabète étiqueté au départ type 2 a une présentation atypique : poids corporel faible (IMC < 25 kg/m2), perte de poids récente, céto-acidose, hyperglycémie majeure, âge < 30 ans, absence d’antécédents familiaux de diabète, présence d’une maladie auto-immune associée.

• L’élément le plus sûr pour le diagnostic de diabète de type 1 semble être le dosage du peptide C plasmatique à condition que le taux soit inférieur à 200 pmol/L. Toutefois, il convient de souligner que la sécrétion résiduelle d’insuline peut décroitre lentement (sur une période de plusieurs années) dans le diabète de type 1. Cette préservation relative de la fonction Langheransienne est très courte, voire inexistante chez l’enfant, mais elle peut être relativement longue quand le diabète de type 1 survient à l’âge adulte. Ainsi, le dosage du peptide C n’est pas décisif car il peut donner, tout au moins au début de la maladie, des résultats quasiment identiques dans le diabète de type 1 de l’adulte et le diabète de type 2 (taux ≥ 600 pmol/L). La répétition du dosage au fil du temps peut témoigner de la dégradation progressive de l’insulinosécrétion endogène. Toutefois, comme pour la recherche d’anticorps anti-îlots, les dosages de peptide C ne devraient être pratiqués que lorsqu’on est en présence d’un diabète supposé de type 2 mais dont la présentation est atypique.

Présentation clinique du diabète : un élément de diagnostic du diabète de type 1 dont la fiabilité diminue quand l’âge de découverte approche de l’âge adulte.

Les signes cliniques classiques du diabète de type 1 reposent sur l’association suivante : polyurie, polydipsie, amaigrissement, hyperglycémie majeure, céto-acidose, recours dans les meilleurs délais à un traitement insulinique.

Quand les signes précédents sont présents (figure) :

  • Avant l’âge de 18 ans : 99 % des sujets ont un diabète de type 1 authentique et moins de 1 % ont un diabète d’une autre nature (type 2 en majorité).
  • Entre 18 et 30 ans : les pourcentages sont respectivement de l’ordre de 93 % et 7 %.
  • Au-delà de 30 ans : les pourcentages sont respectivement de l’ordre de 86 % et 14 %. C’est dans les 2 dernières situations et en cas de doute que la recherche d’anticorps anti-îlots couplée à un dosage du peptide C plasmatique peut aider à l’identification du type de diabète dont souffre la personne.


Figure. Pourcentages de diabètes de nature différente d’un diabète de type 1 (majoritairement des types 2 en rouge ) quand un sujet a été identifié sur des critères cliniques comme étant atteint d’un diabète de type 1 (bon classement en vert) au moment de la survenue du diabète. Le risque de mauvais classement initial augmente avec l’âge au moment du diagnostic.

Est-il important de redresser un diagnostic incertain ?

La réponse théorique attendue est a priori « oui », par exemple pour arrêter une insulinothérapie abusive qui aurait été prescrite à un supposé diabétique de type 1 alors que cette personne souffre en fait d’un diabète de type 2 contre lequel des médications antidiabétiques non insuliniques pourraient s’avérer efficaces et suffisantes. La réponse pratique est plus nuancée car c’est souvent l’évolution observée sur le plan clinique qui permet de redresser un mauvais classement de départ. En particulier, la possibilité d’arrêter ou de réduire un traitement insulinique initié au moment de la découverte de la maladie est un élément important.

En fait, l’identification précise du type 1 ou 2 d’un diabète qui survient à l’âge adulte est surtout un débat de chercheurs. Pour le médecin praticien, l’abord pragmatique sur la présentation clinique de départ et l’évolution clinique ultérieure est sûrement plus important que les dosages d’anticorps anti-îlots et de peptide C, qui ne devraient être réservés qu’à quelques cas particuliers.