Jean-Louis SCHLIENGER, Strasbourg
Tibballs K. High prevalence of retinopathy in young-onset type 2 diabetes and possible sex differences: insights from Norwegian general practice. BMJ Open Diab Res Care 2024 ; 12 : e003624.
L’incidence croissante du diabète de type 2 diagnostiqué avant 40 ans incite à porter un regard nouveau sur une maladie habituellement révélée à l’âge de la « maturité » ou chez les aînés pour ne pas employer le terme désagréable de « vieux ». Le DT2 à début précoce, dont la prévalence est de l’ordre de 5 à 10 % selon les études, est caractérisé par une prévalence plus élevée de l’obésité, par une progression rapide du dysfonctionnement des cellules bêta, par une réponse moindre aux antidiabétiques oraux et par un certain dénuement psycho-social. Les études consacrées aux complications, notamment microvasculaires, dans le DT2 précoce sont encore peu nombreuses alors que l’enjeu en termes de santé publique est de taille.
Des auteurs norvégiens se sont attachés à préciser si le DT2 diagnostiqué entre 18 et 40 ans exposait à un risque plus élevé de rétinopathie que chez les sujets diagnostiqués après 40 ans. Cette étude transversale repose sur les données collectées en 2014 à partir de dossiers médicaux informatiques de médecine générale de 10 241 sujets DT2 ayant bénéficié de mesures répétées d’HbA1c. Les associations entre DT2 précoce et DT2 tardif et rétinopathie ont été recherchées à l’aide d’une régression logistique multivariée. Le critère de jugement principal était la rétinopathie attestée par un ophtalmologiste.
Dans cette étude, 10 % des DT2 ont été diagnostiqués avant l’âge de 40 ans, dans les deux sexes. Les taux d’HbA1c étaient plus élevés chez les DT2 précoces. La prévalence de la rétinopathie était de 25 %, soit deux fois plus fréquente que dans le DT2 de diagnostic tardif. Après ajustement sur divers facteurs confondants (âge, niveau d’éducation, IMC), l’odds ratio de rétinopathie était augmenté dans le DT2 précoce, tant chez les hommes (OR 2,6 ; IC95% : 2,0-3,5) que chez les femmes (OR 2,2 ; 1,5-3,0). L’augmentation du risque de rétinopathie persistait chez les hommes après ajustement sur la durée du diabète et sur les taux d’HbA1c mais était atténuée (OR 1,8 ; 1,3-2,4) chez les femmes chez lesquelles le délai entre le diagnostic de DT2 précoce et le premier traitement de la rétinopathie est plus long que chez les hommes (figure). Le contrôle glycémique, la durée du diabète et le sexe masculin contribuent au risque de rétinopathie dans le DT2 précoce. Le cholestérol LDL et la pression artérielle ne contribuent pas à l’augmentation de ce risque. L’une des explications possibles de la probabilité excessive de rétinopathie chez les hommes atteints de DT2 précoce est que le diagnostic de diabète est plus souvent retardé chez les hommes que chez les femmes.
Cette étude transversale aux nombreuses limites méthodologiques, est l’une des rares études menées en soins primaires visant à évaluer la prévalence de la rétinopathie et les différences potentielles entre les sexes dans le DT2 précoce. Cette étude s’ajoute à d’autres montrant que le DT2 diagnostiqué avant 40 ans présente un phénotype plus défavorable. En pratique un diagnostic de DT2 justifie une surveillance clinique étroite et un bilan ophtalmologique rapide et répété, tout particulièrement chez les jeunes hommes. Il reste que cet excès de risque de rétinopathie et possiblement d’autres microangiopathies est en partie inexpliqué chez les hommes jeunes.
Figure. Prévalence prédictive sur 20 ans de la rétinopathie chez les hommes (bleu) et chez les femmes (rouge) selon que le DT2 est précoce (en haut) ou diagnostiqué après 50 ans (en bas).