Pascale Solère
Les preuves convergent pour mettre en cause des Entérovirus, les virus Coxsackie, dans le développement du diabète de type 1 (DT1) chez le tout-petit. Mais les hypothèses physiopathologiques restent ouvertes.
En l’absence de circulation virale, les tout jeunes enfants ne sont pas protégés par les anticorps maternels
Crédit photo : VOISIN/PHANIE
« Dans la recherche des facteurs environnementaux pesant sur le développement du diabète de type 1 (DT1), la piste des Entérovirus, en l’occurrence des virus Coxsackie, gagne du crédit. On pense désormais que les infections persistantes chez les tout-petits pourraient être impliquées dans la survenue des auto-anticorps, même si la causalité reste à démontrer », résume le Pr Roberto Mallone (CHU Cochin, Paris).
Études biopsiques et de cohortes
Les études menées sur les pancréas de donneurs d’organe DT1 ou à risque ont montré au niveau des îlots de Langerhans que les signes d’activation du système immunitaire se localisaient aux mêmes endroits que des traces d’infections entérovirales (protéines virales probablement liées à des infections persistantes).
De plus, dans les grandes études de cohorte de familles à risque, un certain lien a déjà été fait entre infections persistantes et DT1. Récemment, toujours dans ces cohortes, des études ont été menées sur des échantillonnages répétés du virome (ensemble des virus) présent dans les selles des petits enfants. Le suivi rapproché de ces viromes a mis en évidence un lien entre les infections entérovirales et l’apparition des auto-anticorps (1).
C’est un évènement très précoce. Les infections sont liées à l’apparition des auto-anticorps, pas nécessairement au développement du DT1. Ces derniers travaux ont aussi apporté une nouvelle information : seules les infections prolongées semblent associées au développement de ces auto-anticorps.
Retour de l’hypothèse hygiéniste ?
Dans les pays occidentaux, l’incidence du DT1 a augmenté . Or, ce sont justement les pays où la circulation des Entérovirus est la plus faible. En Finlande, pays où l’incidence du DT1 est la plus élevée au monde, la circulation des Coxsackievirus est très faible… Ce qui peut paraître paradoxal. Mais, plus la circulation est faible, plus l’immunité en population l’est aussi.
De fait, les tout jeunes enfants ne sont pas protégés par les anticorps maternels. L’infection peut alors flamber, résultant en des charges virales élevées, qui ont plus de chances d’atteindre le pancréas.
Dans cette hypothèse, la flambée de DT1 ne serait autre qu’une forme « grave » d’infection à Entérovirus. D’autant que l’on sait que l’allaitement maternel, pourvoyeur d’anticorps, en est un facteur protecteur.
Une preuve éventuelle par la vaccination
Aujourd’hui, des vaccins anti-Coxsackievirus sont en cours de développement, en phase I. Ils pourraient faire la preuve de la causalité des infections dans le développement du DT1 du tout-petit… Sous réserve de vacciner précocement des nourrissons à risque, dans des études prospectives. Sans cela, la causalité sera difficile à établir, ces virus étant très répandus.
Le mécanisme physiopathologique reste à ce jour discuté. Plusieurs hypothèses sont sur la table. Ces virus étant capables d’infecter et détruire les cellules bêta, cela pourrait relarguer des antigènes dans un contexte inflammatoire et déclencher ainsi une auto-immunité.
Autre hypothèse : le relargage d’antigènes de cellules bêta détruites pourrait être provoqué par la réponse immunitaire contre les cellules bêta infectées. Ce qui, si c’était le cas, rendrait périlleuse la vaccination.
Enfin, il existe une certaine homologie de séquence entre certains antigènes viraux et des antigènes des cellules bêta, pouvant se traduire par une reconnaissance croisée, avec à la clé le développement d’une auto-immunité. Autant d’hypothèses physiopathologiques examinées très soigneusement.
Exergue : Seules les infections prolongées semblent en cause
Entretien avec le Pr Roberto Mallone (CHU Cochin, Paris)
(1) M Pandoua Nekoua et al. Persistent coxsackievirus B infection and pathogenesis of type 1 diabetes mellitus. Nat Rev Endocrinol 2022;18:503-16
Pascale Solère