Jean-Louis SCHLIENGER, Strasbourg
Andersson DP et al. Relationship between a sedentary lifestyle and adipose insulin resistance. Diabetes 2023 ; 72 : 316-25.
Il est bien établi que l’activité physique améliore la résistance à l’insuline, l’un des piliers de la physiopathologie du DT2, et que la sédentarité est un facteur de risque du DT2. Jusqu’ici les études se sont focalisées sur la relation entre l’activité physique et l’utilisation du glucose par le muscle squelettique et ont délaissé le tissu adipeux. En effet, le rôle principal de l’insuline y est d’inhiber la lipolyse et non de stimuler l’absorption du glucose comme dans le muscle. L’influence de l’activité physique sur le métabolisme des adipocytes n’est guère connue. Quelques études pilotes ont suggéré que la réactivité à l’insuline du tissu adipeux évaluée par la teneur en glycérol interstitiel (produit final de la lipolyse) était stimulée par l’activité physique sans préciser ce qui revenait à la sensibilité à l’insuline (en rapport avec un effet réceptoriel) ou à la réactivité de l’insuline (en rapport avec la signalisation intracellulaire).
Une équipe suédoise a tenté d’élucider l’effet de l’activité physique sur l’action de l’insuline sur la lipolyse et la lipogenèse dans le tissu adipeux sous-cutané abdominal prélevé par aspiration à l’aiguille chez 540 hommes et femmes dont le profil d’activité physique (travail, transports, loisirs) a été scoré par un questionnaire validé. Le groupe « actif » de score 2 à 4 (n = 336) a été comparé au groupe « sédentaire » de score 1 (n = 204). Le calcul de l’HOMA-IR a été utilisé pour estimer la résistance globale à l’insuline. La lipolyse et la lipogenèse ainsi que l’incorporation du glucose isotopique dans les lipides ont été déterminées sur les adipocytes isolés. La résistance à l’insuline adipeuse (Adipo-IR) a été calculée en mesurant la capacité de l’hyperinsulinémie à réduire les taux d’acides gras circulants et à stimuler l’utilisation du glucose lors d’un clamp hyperinsulinémique-euglycémique dans un sous-groupe de 69 femmes. L’expression d’ARNm codant pour le récepteur à l’insuline a été déterminée dans un autre sous-groupe.
Les sédentaires se distinguaient des actifs par des valeurs moins favorables de plusieurs paramètres cardio-métaboliques, par des adipocytes plus volumineux et par des valeurs d’HOMA-IR et d’Adipo-IR plus élevées (figure). Les effets de l’insuline sur l’inhibition de la lipolyse et sur la lipogenèse étaient nettement plus élevés chez les actifs. HOMA-IR et Adipo-IR étaient fortement corrélés (r = 0,89 ; p < 0,0001). L’activité physique était associée de façon indépendante à HOMA-IR et Adipo-IR et à la sensibilité à l’insuline pour la lipolyse mais non pour la lipogenèse. L’impact du score d’activité physique sur l’action de l’insuline s’exerçait davantage sur le récepteur à l’insuline que sur la cascade métabolique intracellulaire. Il existe une forte corrélation entre l’activité physique et l’expression de tous les gènes du récepteur (r = 0,35).
Cette étude apporte de nouvelles informations sur l’effet de l’activité physique sur l’action de l’insuline sur les adipocytes. Les sujets sédentaires présentent une altération de l’inhibition de la lipolyse par l’insuline et une diminution des effets induits par l’insuline sur le métabolisme du glucose dans les cellules adipeuses mais la perturbation de l’Adipo-IR n’est due qu’à une inhibition de la lipolyse. La sédentarité altère la sensibilité à l’insuline mais non la réactivité à celle-ci car le métabolisme du glucose adipocytaire (lipogenèse) n’est pas affecté par un mode de vie sédentaire. Ainsi, bouger améliore la sensibilité à l’insuline à la fois du muscle squelettique et du tissu adipeux.
Figure. Sensibilité à l’insuline globale (HOMA-IR) et sensibilité à l’insuline du tissu adipeux (Adipo-IR).