Patrice DARMON, Marseille
Hu J et al. Prediabetes, intervening diabetes and subsequent risk of dementia : the Atherosclerosis Risk in Communities (ARIC) study. Diabetologia, published online 24 May 2023.
Il est aujourd’hui clairement établi que le diabète constitue un facteur de risque de démence. Plusieurs études suggèrent que le prédiabète pourrait également être associé à un risque de déclin cognitif et de démence sans que l’on sache cependant si ce lien s’explique par l’apparition ultérieure d’un diabète avéré (qui survient en moyenne 7 fois sur 10). C’est tout l’objet de l’étude menée par Hu et coll. qui s’est également interessée à l’influence de l’âge de survenue du diabète dans la mesure où l’on connaît l’impact de la durée d’évolution de l’hyperglycémie chronique sur le risque de démence.
Les auteurs ont utilisé des données provenant de la cohorte américaine ARIC (Atherosclerosis Risk in Communities). L’étude porte sur 11 656 sujets non diabétiques âgés de 46 à 70 ans évalués initialement sur le plan cognitif pour la première fois entre 1990 et 1992 puis régulièrement jusqu’au 31 décembre 2019. Au moment de l’évaluation initiale, 20 % d’entre eux (n = 2 330) présentaient un prédiabète défini par une HbA1c entre 5,7 et 6,4 % ; sans surprise, ces individus étaient significativement plus âgés que ceux qui avaient une HbA1c inférieure à 5,7 % (âge moyen 58,0 vs 56,5 ans) avec un indice de masse corporelle et un niveau de facteurs de risque cardiovasculaire plus élevés.
Au terme d’un suivi médian de 15,9 ans, un diabète est apparu chez 44,6 % des individus présentant initialement un prédiabète et chez 22,5 % des sujets avec une tolérance au glucose normale, sans différence quant à l’âge moyen au diagnostic entre les deux groupes (71,6 ans). Après un suivi médian de 24,7 ans, l’incidence des cas de démence (adjudiquées par un comité d’experts mais sans pouvoir porter de diagnostic étiologique) était de 19,3 % (n = 2 247). Après ajustement sur le sexe, l’origine ethnique, le centre d’inclusion, le niveau d’éducation, le nombre d’allèles à risque du gène APOE, l’IMC, la consommation de tabac et d’alcool, le niveau d’activité physique, le cholestérol total, le HDL-cholestérol, l’hypertension artérielle et la présence d’antécédents d’accident vasculaire cérébral ou de fibrillation atriale, il existe un risque accru de démence chez les individus présentant un prédiabète à l’inclusion (hazard ratio ajusté 1,12 [IC95% 1,01-1,24]) mais ceci n’est plus significatif après ajustement sur le développement ultérieur d’un diabète (HRa 1,05 [IC95% 0,94-1,16]). L’âge de survenue du diabète apparaît comme un facteur déterminant dans le risque de développer une démence : le HRa est de 2,92 [IC95% 2,06-4,14] pour un diabète apparu avant 60 ans, de 1,73 [IC95% 1,47-2,04] pour un diabète apparu entre 60 et 69 ans, de 1,23 [IC95% 1,08-1,40] pour un diabète apparu entre 70 et 79 ans et n’est plus significatif pour un diabète apparu après 80 ans. Tous ces résultats sont retrouvés à l’identique en utilisant la glycémie à jeun plutôt que l’HbA1c pour définir le prédiabète.
Malgré ses nombreuses limites méthodologiques, cette étude suggère que le prédiabète est associé à un risque accru de survenue de démence mais seulement lorsqu’il est suivi de l’apparition d’un diabète avéré et en particulier si ce diabète survient tôt dans la vie. Ces résultats soulignent s’il en était besoin l’importance de la prévention du diabète chez les patients à risque identifiés par une hyperglycémie modérée à jeun ou par une HbA1c entre 5,7 et 6,4 %.